Guinée-Hommage : ‘’Me Amadou Salif KEBE, les leçons d’une vie’’
mai 26, 2020Guinée-Hommage : ‘’Me Amadou Salif KEBE, les leçons d’une vie’’
Par Ibrahima Kalil DIAKITE, journaliste, conseiller en communication à la CENI
Tu es parti comme tu définissais ta vie, c’est-à-dire au service d’un destin. Tu es parti sans agitation, sans tintamarre, exactement comme tu concevais ton existence : loin des frasques et des mondanités.
Pour coucher ces quelques lignes, j’ai longtemps cogité sur la meilleure forme de te parler, d’entrer en communion avec toi sans enfreindre certains de tes principes de vie que je connais. Pour toi, la parole doit être sans allusion, sans haine, ni arrogance, le verbe et le ton jamais hauts. C’était cela ta marque…
Me Amadou Salif KEBE,
J’ai donc assez médité pour trouver la formule qui sied. Ainsi par précaution, j’ai préféré les symboles ou références religieuses tirés de l’islam, de la bible ou même philosophique qui paraissent désormais proches de ton vécu.
Voici maintenant 40 jours que tu nous as quittés. Le 40e jour est sacré dans plus d’un rite ainsi que dans plusieurs cultures traditionnelles. En effet, dans les pratiques religieuses anciennes, le 40e jour marque le passage de l’existence physique à la vie spirituelle. Le corps matériel cédant la place à l’âme dans la métaphysique. Le Prophète Mohamed (PSL) disait citation « la terre pleure le décès d’un croyant pendant une période de 40 matins » fin de citation. C’est probablement le sens des sacrifices circonstanciels pour faire le deuil et marquer la séparation. Le Christ, Fils du Père et du Saint Esprit s’imposa 40 jours de prière et de jeûne dans le désert pour le salut, la rédemption du genre humain. On peut donc admettre que le chiffre 40 est tout à fait un grand symbole et chargé de sens.
Me Amadou Salif KEBE,
Depuis 40 jours que tu as rejoint ton Seigneur, nous avons porté le deuil du mieux que l’on a pu; égrené tes souvenirs ; loué tes qualités humaines. Et comme pour tromper la douleur extrême qui nous ronge, nous avons répété à l’envie tes anecdotes sur la vie, l’amitié, le travail, la fidélité, Dieu… Sur la vie de l’au-delà par exemple tu pensais que notre confort céleste était plutôt proportionnel aux biens et à l’amour que l’on a pu cultiver ici-bas. Voilà comment tu pensais dans la vraie vie.
Tu n’étais pas du genre à tirer des plans sur la comète. Tu étais la simplicité ; tu incarnais la générosité ; tu étais si altruiste… tu savais pardonner mêmes les méchancetés et les lâchetés sans nom. Face aux offenses, tu revenais très vite à ce qu’il y avait de sublime en toi c’est-à-dire, la raison et le pardon. Cette raison transcendantale selon le philosophe Kant qui permet de prendre de la hauteur. Le pardon dans son sens biblique où le Christ demande au Père de pardonner à ses bourreaux, car ils ne savent pas ceux qu’ils font.
Me Amadou Salif KEBE,
J’ai déjà dit que tu étais humble. Tu ne voyais aucun mérite particulier dans l’ascension sociale et tu n’en attendais rien de spécifique comme il nous est donné d’observer ici et là dès que pointe à l’horizon le moindre signe de pouvoir ou de puissance.
Pour toi, après les hautes fonctions de président d’institution, le « JOUR D’APRES » n’était pas forcément écrit en lettre d’or ou d’argent. Nonobstant les grands destins que les bonnes consciences te prédisaient, tu voulais garder les pieds sur terre. Tu voulais prendre le large, t’accorder un petit répit, un repos studieux avec ta progéniture pour apprendre des langues dans d’autres contrées… confidence authentique, voilà comment tu voyais les choses, la modestie personnifiée.
Tu m’aurais probablement dissuadé d’écrire ces lignes, afin de ne heurter aucune conscience aucune âme. J’ai pris sur moi pour le faire. Car pour ma part, comment demeurer insensible à tant de témoignages d’amitié qui me viennent de partout, les uns aussi émouvants que les autres de la part de gens bien qui t’ont côtoyé et admiré ? Ceci est juste une preuve que je n’ai rien oublié de ce qui m’a été rapporté.
D’ailleurs, également pour ton information, il y a quelques jours un de tes amis m’a rapporté que tes enfants ont rejoint la grande concession familiale à la demande de ta mère et de ton épouse afin que le double esprit protecteur de leur aïeul et du tien continue de veiller sur eux. Et qu’ils continuent de garder ESPOIR
A propos d’ESPOIR justement, dernièrement, ton ami Djéliba Kouyaté, en transmettant la compassion de familles alliées à tes parents a rappelé la légendaire histoire du chasseur qui voulait abattre un oisillon orphelin pour satisfaire à l’envie de protéine de ses vieux parents. Après une journée infructueuse dans la brousse et par crainte de venir bredouille devant ses parents, le chasseur jeta son dévolu sur le petit bipède qui chantait sa solitude et sa souffrance sur la cime d’un arbre.
Il demanda à l’oiseau de se rendre afin qu’il le tue. Celui-ci étonné demanda le pourquoi. Le chasseur répondit qu’il avait déjà tué le père-oiseau, la mère-oiseau ainsi que les frères et sœurs-oiseaux du jeune bipède. Dans une ultime repartie, l’oisillon avisa qu’il trouverait ESPOIR auprès d’autres espèces. A son tour, le chasseur dans une dernière réplique informa l’oisillon que même cet ESPOIR n’existait plus. L’oisillon se rendit aussitôt et ajouta que la vie était encore possible sans père, mère, frère ou sœur mais que sans ESPOIR elle n’en valait plus la peine.
Le chasseur lui épargna la vie et scella un pacte d’assistance réciproque et mutuelle avec lui. Le chasseur et toute sa confrérie protégeraient cet espèce qui à son tour aviserait à l’approche d’un méchant fauve dans les parties de chasse. La morale du maitre de la parole est que tes enfants peuvent compter sur tes parents et amis…
Me Amadou Salif KEBE,
Je veux conclure par cette citation tirée du livre « Dieu ou rien » de ton compatriote Cardinal Robert Sarah : ‘’ La citée terrestre n’est pas notre véritable patrie. Elle est un moment de transition. Nous sommes nés pour faire un grand voyage vers la cité de Dieu…’’.Dors en paix cher Ami.
Par Ibrahima Kalil Diakité, Journaliste, Conseiller en communication à la CENI